ou l’art d’accommoder les restes…
En construisant une « esthétique du déchet », les pratiques artistiques permettent un déplacement symbolique, autorisent un réinvestissement et une réinterprétation de la matière et des rapports que nous avons bien souvent avec elle à travers le fétichisme des objets.
D’un certain point de vue, surgit un parallélisme entre récupération/recyclage et démarche artistique. Dans les deux cas opèrent des glissements de forme, de sens et d’usage. Si la figure de l’exclusion traverse l’inconscient de l’imaginaire du déchet, le recyclage lui propose une seconde vie, de même que l’art lui offre un second statut. « Quoi de plus beau qu’un tas d’ordures ! » proclamait déjà Van Gogh au XIXème siècle. Plus près de nous le controversé « cueilleur de hasard » Dubuffet procédera à la réhabilitation de matières décriées. De même les nouveaux réalistes et les surréalistes s’approprieront-ils le rebut et l’obsolète comme contre-figure d’une société de consommation rayonnante.
Les images proposées ici proscrivent toute mise en scène pour révéler la matière dans sa « naturalité » de déchet. Elles valident la formule de Christian Mattelet selon laquelle « le déchet est un peu technique, beaucoup économique et passionnément socio-culturel ». Elles invitent à découvrir la forme de l’informe, le sens du non sens, l’imaginaire dans le réel, le sens de la révolte camusienne face à la résignation qui conduirait à accepter un monde croulant sous ses scories.